Xavier BORDES

Xavier BORDES



Xavier Bordes, né le 4 juillet 1944, dans le village des Arcs en Provence (Var). Etudes musicales et classiques. (Organiste. Etude de composition, théorie atonale et orchestration avec Julien Falk. Thèse de doctorat sur Joë Bousquet, sous la direction de Jean-Pierre Richard). Musicologie (instruments et musique des Aymara en Amérique du Sud). Quitte Paris pour une mission de musicologie au Maroc et Sahara. S'installe à Oued-Zem, puis à Mohammedia en 1973.  Enseignement et journalisme (Rédacteur en chef de la Revue Automobile Africaine, conférences nombreuses, notamment dans les Centres Culturels). Traductions de poètes Grecs (Elytis, prix Nobel de Littérature, puis Cavafy, Solomos, Anagnostakis, Davvetas, Zakythinos principalement.) Commence une œuvre poétique en 1979. Retour en France (Paris) fin 84. Travaille dans l'édition musicale (direction artistique). Lecteur de grec pour les éditions Gallimard. Membre du comité de la revue PO&SIE. En 1989, en collaboration avec l'entreprise DBE, Xavier Bordes expose un poème de 300 m2 sur une façade du 6 avenue de Friedland à Paris, associé à une conférence et un exposé théorique à la Maison des Ecrivains. Xavier Bordes entreprend, avec les éd. Mille et une nuits, la publication d'œuvres philosophiques gréco-latines liées à l'univers contemporains : Epicure, Ovide, Sénèque, Théophraste... Xavier Bordes poursuit depuis une œuvre de poète et de traducteur, en grande partie publiée directement sur internet (Calameo – Word presse – Overblog). En 2011, au cours de l'année anniversaire de la naissance d'Odysseas Elytis, Xavier Bordes fait don de ses archives Elytis à la Bibliothèque Gennadios à Athènes (Fond Bordes). Participe aux destinées de la revue belge Traversées couronnée récemment d'un prix de la Revue Poétique 2011.

Que trouve-t-on dans cet opus merveilleux qu’est L’Astragalizonte et autres poèmes ? Sept parties : Figures de la poésie ; Domaines interdits, suite incertaine ; Statues de sel ; Sites amers ; Hellenika ; Poèmes de la terre désespérée et Hivernales. Ces titres sont des invites, pour qui aime les mots et croit en leur pouvoir et c’est déjà beaucoup. Nous y trouverons la marque d’un poète qui écrit en français et porte en son identité la responsabilité du monde entier : la Grèce et le soleil levant, sa philosophie inaugurale, la Méditerranée et ses peuples, la présence constante de l’Asie, la femme-flamme-parole-poésie, « l’essence des diverses cultures qui forment le monde de l’anticipation de l’humanité de demain. » et c’est en cela que nous rejoignons Lieven Callant lorsqu’elle parle de Bordes comme d’un poète concernant notre temps. Car au regard de la culture de mort qui s’est abattue sur le territoire mondial, mené par le capitalisme oligarchique, au regard de la relativité des connaissances, faite système et engendrant des petits cercles d’aisance et de désinformation généralisée, au regard du nihilisme organisé, la parole du poète Bordes est une boussole aimantée par la profondeur de l’homme. Cette boussole relève de la connaissance, de la mémoire, de la mémoire ancienne ; et qui veut naviguer sereinement sur le gros temps de notre époque ne peut que monter sur le vaisseau de sa langue. 

Notre époque, quand elle s’ouvre à la poésie, voire quand elle la tolère, ne peut admettre que des déclarations poétiques simplettes. Chez Bordes, le vers est construit, il est cadencé, il est orchestré, maîtrisé, il contient la vague, le vent, la houle et de ses roulis naît l’image poétique et donc la pensée inséminatrice (Œuvre au noir, p.33). Une pensée complexe. Non pas compliquée mais prenant en compte tous les éléments du monde, passé, présent et avenir, ainsi que leurs lignes de forces. 

Ce livre s’ouvre sur la Figure d’Aïlenn, figure omniprésente dans la poésie de Bordes, comme archétype de la poésie elle-même, personnage figurant le Poème. Cette figure respire l’érotisme : « Elle me parle à travers l’orle d’un coquillage/ Intime elle respire auprès de ma nuit ». Le poète apparente le poème au désir, au pouvoir de l’engendrement, à l’esprit (vent), à la verticalité. Ne reste qu’à voyager avec ce poète des temps modernes, cet homme-pythie laissant passer la parole à travers sa voix. Fractale, ai-je dit plus haut : oui, quel que soit le poème, il contient le Tout de sa poétique. À nous de savoir interpréter leur énigme et leur beauté. Comme, par exemple, en ce poème « La Maison-Dieu », filant la métaphore entre le petit-fils et le grand père, l’innocence et la bienveillance, l’humanité infantile et la sagesse. Comme en L’heure phénixiale dont je ne résiste pas à citer l’entame : « Te voici avançant à travers tes jours/ grâce au Temps imparfait/ Les dieux imparfaits n’ont laissé derrière eux/ que le halo de la beauté/ ainsi qu’un vêtement qu’on laisse sur la plage/ avant de se jeter dans la cure d’azote de la côte d’azur/ pour un horizon sans fin d’aventures auxquelles désormais/ les humains n’auront plus part ».

Bordes, reconnaissable entre tous aussi par l’humour contemporain propre à notre aujourd’hui. Ainsi, à travers son verbe aux accents de grec ancien sourd aussi notre époque non épique. Comme en cet éblouissant Huit graffitis sur l’interminable : « Sur des milliers de pièces de langage d’une nature mal définie, quelle puissance invoquer qui nous fasse la grâce que subsiste, intact parmi tant de cendres, un poème incombustible » et « Avec un certain désespoir, il refusait à toute force de se relire, navré de n’avoir travaillé des jours, des années, à façonner l’or du silence, que pour finir joaillier d’une parole d’argent oxydable ».  Le graffiti, qui est de chez nous. Et la Grèce ancienne, qui est aussi de chez nous, bien que personne ne veuille plus le voir. Et que Bordes poète refuse d’abolir en son humanité. Pour quelle raison ? La réponse est peut-être dans ses Hellenika. La réponse est peut-être dans ce qu’affirme Jean-François Gautier et dont nous trouvons l’écho certain sur le blog de Bordes dans les poèmes Jour de cafard et Symbolique ascension : « Ce qui fonde l’art chez les Européens n’est pas artistique, ce qui fonde l’art, ce qui rend possible la frise des panathénées, ce qui rend possible la cantate de Bach, ce n’est pas quelque chose de sculptural, ce n’est pas quelque chose de musical. Ce qui fonde l’art, c’est le besoin de contemplation de la grandeur et de la dignité collective. C’est d’abord la claire conscience qu’il est indispensable de célébrer une gloire collective. » Et c’est en cela que Bordes est grand.

Gwen GARNIER-DUGUY

(Revue Les Hommes sans Epaules).

 

Site internet : http://xavier.bordes.over-blog.com/

Œuvres de Xavier Bordes : Le Sans-Père à Plume (éd. de Loess, 1982), L'Argyronef (Belin, PO&SIE, 1984), Syrinx (Belin, PO&SIE, 1985), Ma Venise (éd. Eyras, 1985), Alphabets (Belin, PO&SIE, 1986), La Pierre Amour, poèmes 1972-1985 (Gallimard, 1987), Elégie de Sannois (NRF,1988), Notes pour des chasses rêvées (éd. d'Art D. Martin, 1988), Onze poèmes tirés d'une conque (Champ Vallon, 1988), Le masque d'Or  éd. de Loess, 1988), Poèmes Carrés (Belin, PO&SIE,1988), La chambre aux Oiseaux (édition d'art J.C. Michel, 1989), Rêve profond réel (Champ Vallon, 1991), Impérissables passements de lumière, (éd. Galerie P. Gabert, 1992), Le grand Cirque Argos (éd. Robert et Lydie Dutrou, 1993), Je parle d'un pays inconnu (Le Cri, 1995), Comme un bruit de source (Gallimard, 1999), L’étrange clarté de nos rêves (Clàpas, 1999), A jamais la lumière (Gallimard, 2001), Quand le poète montre la lune... (éd. de Corlevour, 2003), L’Astragalizonte et autres poèmes (Traversées, 2016).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : Lionel RAY ou le poème pour condition n° 43